• Le bonheur - Paul KAWCZAK

    Après le terrible et magnifique "Ténèbre", Paul Kawczak revient avec un roman encore plus terrible et tout aussi sublime dont le titre pourra dérouter le lecteur tant l'époque et les faits rapportés sont d'une noirceur insondable. Mais au milieu des ténèbres, la plus petite lueur devient un phare et un espoir au milieu du chaos. 


    A Besançon, à l'automne 1942, trois enfants se cachent dans une grotte sous les ruines du château de Montfaucon. D'après une légende, le diable lui-même résiderait là. En surface, c'est un véritable diable qui les cherche: un officier nazi au visage ravagé (les allemands avaient aussi leurs gueules cassées) et il les cherche car il pense que ces enfants possèdent un pouvoir. Lequel? Vous le découvrirez en lisant ce roman étonnant sur la période de l'Occupation. Je ne peux m'empêcher de penser, que certains aspects de cette histoire sont inspirés du film de Guillermo Del Toro, "Le labyrinthe de Pan": l'imagination à la fois terrible et enfantine pour faire face à la l'inimaginable réalité, c'est l'arme que ces enfants brandissent pour survivre. L'atmosphère de ce roman est angoissante et particulièrement rude quand l'auteur nous plonge dans les entrailles de cette grotte qui réveille en nous des terreurs oubliées puis en énumérant, convoi après convoi, le nombre d'enfants déportés par les autorités françaises qui ont mis un certain zèle à répondre, voire à devancer, les ordres des nazis. L'auteur n'oublie pas de montrer à quel point la déshumanisation est avant tout une affaire politique soutenue par une population au mieux aphone au pire collaborationniste. 


    Mais ce livre est également une réflexion sur la solidarité, celle qui habite les êtres animés par des principes de vérité et de justice, des valeurs chevillées à l'âme en dépit de toutes les menaces et les douleurs. Un roman étonnant par l'évocation des croyances ésotériques de cette sombre période, mélange de sciences et de pouvoirs de l'esprit dont on découvrait, avec la psychanalyse, la complexité. Un roman enfin, qui offre une réflexion sur l'art: des dessins préhistoriques dans les cavernes aux petits cailloux de Jacquot... 



    La Peuplade - 23 euros


    Parution le 6 août 2024

  • Les derniers jours de Harry Yuan - ARBON

    Jean Pierre Arbon connait bien le monde de l’édition. Ancien directeur général des éditions Flammarion, il a été un des premiers à envisager l’évolution numérique du monde du livre en créant la première maison d’édition en ligne « 00h00.com ». Comme beaucoup d’entrepreneur du début des années 2000, il a profité de la relative folie de l’époque pour revendre, et plutôt bien, son affaire. Et c’est ici que débute la fiction (enfin peut être…) avec ce personnage d’Harry Yuan, un homme d’affaire chinois qui a racheté 00h00.com et qui a connu une trajectoire peu commune. Milliardaire après avoir révolutionné le monde du magnétoscope (…) il a connu des hauts, nageant dans les grands fonds des affaires mondiales, mais aussi les bas jusqu’au point de disparaitre de la circulation en 2006. Pourquoi ? C’est en partant de ce postulat qu’Arbon a mené son enquête et a fini par être recontacté par Yuan. Retiré sur une ile paradisiaque (n’était-il pas ruiné ?) il est à présent très malade. Il va donc inviter Arbon à lui rendre visite et tout deux vont retracer leurs parcours et l’auteur était bien loin d’imaginer l’ampleur de celui de son hôte…


    Un texte qui mélange fiction et réalité et qui aborde de l’intérieur une époque pendant laquelle le numérique était déjà un eldorado, un milieu qui faisait rêver les magnats de la presse, les grands de ce monde, qui découvraient un univers qu’ils ne comprenaient pas vraiment mais qui laissait envisager des perspectives de gain sans commune mesure.


    Ce roman se lit comme un polar « économique », avec des personnages dont la férocité et le sens des affaires n’a rien à envier à la motivation et l’entrain des chefs de gangs ou mafieux des polars classiques. Un milieu composé de grands fauves, à l’égo surdimensionné et dotés d’une intelligence pour « sentir les coups » mais aussi pour distribuer les mauvais…


    Depuis lors, Arbon dans la vraie vie est donc auteur mais aussi musicien, ayant laissé tomber le monde des requins pour nager dans des eaux moins troubles…sans regret ?


    Le Diable Vauvert -  22 euros.

    Parution le 21 août 2025

  • La marchande d'oublies - Pierre JOURDE

    Gallimard - 25 euros

    Parution 21 août 2025



  • Un livre - Fabrice GAIGNAULT

    Arléa - 13 euros

    Parution 28 août 2025


  • Finistère - Anne BEREST

    Arléa - 13 euros

    Parution 28 août 2025


  • L'homme qui lisait des livres - Rachid BENZINE

    Rachid Benzine est de ces auteurs qui sont capables, en quelques pages, de vous bouleverser. Dans ce court roman, il va nous rappeler à quel point les livres et la littérature sont sources de vie, d'espoir, d'humanité même dans les endroits où l'humanité ne fait plus que survivre. Nous sommes en Palestine, dans la bande de Gaza, dans les pas d'un photographe français en reportage qui au détour d'une rue en ruines, rencontre un vieux libraire. Celui-ci semble attendre, avec ses livres qui sont autant de fragments d'une vie, d'un pays, d'une histoire qui ne demande qu'à être racontée et écoutée pour ne pas oublier. Et c'est une longue histoire de résistance que cet amoureux des mots et des livres va évoquer pour retracer le parcours d'un homme dans un pays occupé: enfant grandi trop vite dans un camp dit provisoire, découverte du théâtre, désillusions politiques, prison et drames personnels jalonnent l'existence de cet homme. Pour lui la littérature n'est pas un échappatoire, elle lui a permis de survivre au chaos, d'être pleinement un humain, acteur de sa vie, transmetteur de textes qui permettent d'organiser le monde par la pensée et de ne pas céder à la tentation de la violence quand celle-ci semble être la seule réponse possible.


    On ne peut qu'être bouleversé par les mots de Rachid Benzine, par ces figures qu'il convoque et qui ne baissent pas les bras malgré l'humiliation. L'actualité de cette région ne peut pas laisser indifférent et le regard de l'écrivain en se posant sur des individus qu'il nomme, les sortant ainsi de l'anonymat de la foule ou d'une simple énumération quotidienne d'un nombre de morts, éclaire notre compréhension de ce que peuvent ressentir les hommes et les femmes de Palestine. 


    Julliard  – 18 euros.


    Parution le 21 août 2024

  • Géographie de l'oubli - Raphaël SIGAL

    Pour Raphaël Sigal, il y a eu un moment où l'histoire familiale, ou plutôt les non-dits, les sous-entendus de cette histoire, devaient être écrits. Mais comment s'emparer des bribes intégrés depuis l'enfance, ces petites phrases parfois anecdotiques dont on devine un sens caché, comment restituer sans romancer, départager la vérité de ce qui a été patiemment élaborer afin de rendre cette histoire acceptable?


    C'est tout le questionnement de l'auteur qui souhaite raconter la vie de sa grand-mère alors que la maladie d'Alzheimer effritent les souvenirs depuis longtemps enfouis. Le silence, semble-t-il, a permis de reprendre une vie bouleversée par la guerre. Ses grands-parents ont traversé la Shoah et l'auteur s'interroge sur la façon de remonter le fil d'une vie, avant de décider que cet ouvrage ne sera ni une enquête ni un roman : il analyse sa manière d'écrire, s'interdit des questions qui n'ont plus de sens dans le contexte de la maladie. Eviter de se mettre à la place de, éviter les écueils de la romantisation d'une vie saccagée par la violence et plutôt se concentrer sur ce qu'il reste, sur les petits cailloux semés dans sa mémoire d'enfant puis d'adolescent. Et avec les mots écrits par sa grand-mère dans un journal (reproduit en intégralité en fin d'ouvrage), continuer à s'interroger sur le travail de la mémoire qui se trouve être finalement, un travail de l'oubli.

     

    En balayant la littérature des survivants, Raphaël Sigal explore les souvenirs de ceux et celles qui ne veulent pas oublier, il nous pousse à tatonner avec lui dans son travail d'écriture, ses hésitations, ses retours en arrière, ses trouvailles : le mot-valise "Shoalzheimer" ou "comme mémorer". Chaque paragraphe, chaque chapitre est une lutte contre la facilité de dire "je", "donc", "car".


    Ce livre n'est pas un témoignage, un énième roman autobiographique sur une expérience vécue de l'horreur, c'est un livre d'amour pour sa grand-mère, qui respecte, jusqu'à la

    fin, la boîte de secrets qu'elle avait enfermé dans son coeur: l'auteur ne parlera pas à sa place de ce qu'elle a mis toute une vie à taire.


    Robert Laffont – 17 euros


    Parution le 21 août 2024

  • La colonie - Annika NORLIN

    Le retour à la terre, quitter la civilisation, ses réseaux, son actualité, se retirer du monde, un rêve, parfois une chimère mais pour certains une réalité. C’est le cas de cette auto-proclamée « colonie » que va découvrir Emelie, elle-même en quête de retour à l’essentiel après un burn-out destructeur. Dans un premier temps, c’est avec une certaine appréhension qu’elle va découvrir, de très loin, le comportement de ce groupe d’humains qui paraissent bien éloigné du monde réel. Vivant sur un terrain (dont on apprendra au fil de l’histoire l’origine « controversée »), ces individus semblent vivre sereinement, sans hiérarchie, sans règle, une existence des plus tranquille. Mais Emelie va vite découvrir que les apparences sont parfois trompeuses, que certains membres ne sont pas là uniquement pour l’amour des arbres et des baignades en eau vive, que la nature ayant horreur du vide, un ou une cheffe s’est imposée et que derrière les bons sentiments se cache parfois des zones plus opaques, qui plus est par rapport à un jeune homme composant le groupe avec qui elle va nouer des liens particuliers.


    Le premier roman de l’autrice suédoise Annika Norlin est construit de manière assez brute, comme la nature dont elle parle, les incartades dans le passé des protagonistes alternant avec le présent et l’irruption d’Emelie dans ce groupe, lui rappelant l’existence d’une « autre vie », venant quelques peu bouleverser son équilibre apparent.


    Un roman dans lequel les personnages développent petit à petit une profondeur et dont on a envie de connaître les itinéraires avant d’arriver dans ce coin de Suède isolé, tels des Robinson Crusoé Scandinaves. Un état d’esprit qui sous couvert de choix de vie n’est peut-être que la résultante de trajectoires inéluctables de part leur passé.


    La Peuplade – 24 euros.

    Parution 04 septembre 2025


  • Tant mieux - Amélie NOTHOMB

    Pendant la guerre (la 2nde), une petite fille de quatre ans est confiée par ses parents, à sa grand-mère maternelle pendant les vacances d'été. Ils espèrent ainsi que la petite sera plus tranquille en n'étant pas régulièrement obligée de se rendre dans un abri à chaque bombardement. Adrienne se voit donc obligée de quitter son univers et sa grande soeur (qui, elle, sera hébergée chez la douce grandmère paternelle) pour aller à la rencontre d'une femme qu'elle ne connaît et dont elle a l'intuition, au vu du comportement et des rares mots de sa mère, qu'elle n'est pas commode. Aime-t-elle seulement les enfants? La gamine se donne pour mission de se faire accepter, mieux, d'ouvrir le coeur de cette grand-mère acariâtre. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il va falloir toute l'imagination, le courage et l'intelligence d'une petite fille avide de tendresse et curieuse de tout ce qui l'entoure, pour arriver à ses fins. 


    Amélie Nothomb nous entraîne à nouveau sur les chemins de l'enfance et de ses blessures dans un roman dont le ton peut, au départ, sembler léger mais qui, rapidement, nous touche et nous irrite à la fois. Les adultes ne sont pas tendres, ni compréhensifs avec les enfants: c'est à eux, alors qu'ils parlent à peine, qu'ils n'ont pas les clés, qu'il incombe de deviner, de s'adapter au monde et de trouver, seuls, les réponses à leurs questions les plus capitales. A quel âge apprend-t-on à dissimuler et comment, une fois adulte, peuton oublier la douleur enfantine de ne pas se sentir compris, d'être confrontés aux secrets et de perpétuer cette transmission maladroite aux générations suivantes?


    A la fin de ce livre, peut-être adopterez-vous le "tant mieux" nothombesque comme une formule, non pas magique, mais d'encouragement à soi-même dans les moments compliqués. 


    Albin Michel - 19.90 euros


    Parution 20 août 2025

  • Les éléments - John BOYNE

    Dans son nouveau roman, John Boyne convoque les quatre éléments, comme les quatres histoires qui le compose mais qui sont en fait un tout.


    Afin de ne pas gacher l'intérêt de ce titre, nous ne pouvons qu'évoquer le fait qu'un personnage secondaire du premier récit, devient le principal du second et ainsi de suite.


    On peut tout de même indiquer que la culpabilité sera le sujet qui survolera de ses ailes sombres les quatre récits. 


    John Boyne va creuser dans le pire de l'humain pour en faire ressortir tout de même de l'humanité, ses personnages sont à la fois glaçant et terriblement fragiles. Chacun se débat avec ses étâts d'âme, ses fantômes, ses obsessions, ses drâmes...certains s'en relève, d'autre plonge encore plus profond dans les abysses...


    Un roman qui fait réfléchir, en abordant des sujets sensibles et qui se lit d'une traite.


    JC Lattes - 23.90 euros.


    Parution le 20 août 2025

  • L'histoir de Mother Naked - Glen James BROWN

    Roman historique, conte de troubadour, cette histoire nous plonge au coeur de l'Angleterre du XVème siècle, quand les paysans n'étaient que des esclaves au service de l'Eglise et des puissants. Attachés comme des prisonniers à leurs villages sous les ordres du bailli qui distribue les tâches, sans considération autre que le profit: les familles héritent du travail des morts à la tâche ou des déserteurs quelque soit leurs capacités physiques. Veuves, jeunes garçons à peine sortis de l'enfance se retrouvent à cumuler des travaux intenables et en ayant de moins en moins de temps pour cultiver la surface qui leur est dévolue produisant à peine le nécessaire pour survivre d'une année à l'autre. Et quand le climat gâche la récolte, la famine et les maladies entraînent les serfs dans une spirale mortifère. C'est l'Enfer sur terre, et c'est ce que Dieu a voulu : et gare aux survivants qui ne paieraient pas pour éviter à leurs morts de s'éterniser au Purgatoire! La vie dans l'au-delà n'est pas garantie quand on n'a pas le sou. 


    Mother Naked, c'est le nom de "scène" d'un ménestrel qui, de ville en ville, joue du psaltérion en racontant des histoires. II n'était cependant pas l'artiste attendu à Durham pour la fête des marchands et nobles en cette soirée orageuse de l'an 1434. Et ce ne sera pas la moindre des surprises que ce raconteur va leur servir. Il les incite à boire et à manger, et à écouter la chronique dans laquelle, bientôt, chacun va se reconnaître et pas forcément à son avantage. Entre fables, chansons, poèmes, peu à peu se dévoilent les petits secrets et arrangements d'une classe qui possède le pouvoir contre ceux qui pourtant les font vivre. 


    Ce roman est fascinant par sa forme : on est comme suspendu aux lèvres de ce conteur. Des images terribles se forment dans notre esprit et l'on ressent toute la misère et l'angoisse de ces "petites gens" qui ont beau se plier, travailler, prier, payer, n'ont jamais l'espoir d'une vie meilleure sur cette terre, voient mourir leurs enfants. Ils se débattent comme des poissons hors de l'eau et ne peuvent espérer une main tendue : le système imposé par les puissants ne leur permet même pas l'empathie envers leurs pairs. C'était une autre époque et pourtant, quels échos avec notre monde d'aujourd'hui. Et avec quel talent, l'auteur, avec les mots de Mother Naked, met en lumière la lutte, sans fin, des classes. 


    Typhon - 21.50 euros.


    Parution le 2 septembre 2025

  • Adieu Kolyma Antoine SENANQUE

    Comment revenir à une vie normale lorsqu’on a connu l’enfer ? En Hongrie, dans les années 1950, ils sont nombreux ceux qui ont supporté la rudesse d’une contrée éloignée de tout : la Kolyma, antichambre de l’enfer situé à l’Extrême-Orient russe, servant notamment de camps de travail forcé pour les récalcitrants au programme soviétique. Sylla Bach a grandi dans ce contexte, une orpheline qui a côtoyé et a été pris sous l’aile du clan Vadas, qui l’a protégé enfant. Pour eux, elle est devenue « une tueuse de chienne » c’est-à-dire une porte flingue pour solutionner de manière définitive les problèmes qui pouvaient se poser dans le camp et gêner les affaires. Le temps ayant fait son œuvre, la Kolyma se trouvant à des milliers de kilomètres, Sylla pensait avoir payé son du en effectuant une dernière mission et en se retirant du monde obscur. C’était sans compter avec le conflit entre deux frères du clan Vadas qui a prospéré une fois revenu à la vie civile. La sortie d’un des deux frères de prison n’a provoqué que le retour des ennuis. Sylla a-t-elle encore les ressources pour se jeter dans une bataille dont l’issue ne peut être que fatale ?  


    Après « Croix de cendre », une fresque historique qui plongeait le lecteur dans les affres de la peste noire au XIVème siècle, Antoine Sénanque va chercher dans les tréfonds de l’ère soviétique des personnages troubles et tourmentés dans une atmosphère que n’aurait pas reniée Soljenitsyne. Il aborde cependant un axe original en ne masquant pas l’enfer que créaient les truands et les malfrats qui faisaient commerce de la corruption et du vice pour se préparer un avenir plus souriant.


    Un roman qui évite le côté manichéen, celui présentant les individus dans les camps comme étant seulement des victimes et surtout qui démontre la difficulté à s’extirper d’un milieu qui n’oublie pas ni ne pardonne la volonté de le quitter sans avoir payé son du.


    Grasset – 23 euros

    Parution le 27 août 2025

  • L'homme sous l'orage - Gaëlle NOHANT

    Quel plaisir de retrouver la plume délicate de Gaëlle Nohant dans ce nouveau roman historique. Nous sommes en 1917, la première guerre mondiale s'éternise et, légitimement, les soldats et les civils commencent à se poser des questions. S'il est acquis que l'honneur veut qu'il faille mourir au combat pour que mères et épouses endeuillées s'enorgueillissent du courage de leurs hommes, les désertions se font de plus en plus nombreuses et les familles tentent de cacher ceux qui préfèrent la vie même honteuse au charnier. Et quand un jeune homme se présente, de nuit, aux portes d'une propriété viticole, la maîtresse de maison mariée à un militaire, ne peut concevoir un tel déshonneur et refuse de l'aider. Mais c'est sans compter la curiosité de Rosalie: la jeune fille de la maison s'ennuie terriblement depuis le début de la guerre et commence à se demander qui pourra bien l'épouser quand la paix reviendra mais que si peu d'hommes reviendront d'un front meurtrier. Elle va donc désobéir, mettant toute sa famille en danger d'être dénoncée pour avoir hébergé un déserteur, et cache l'homme mystérieux dans le grenier. Au fil des discussions, ils se découvrent peu à peu; le prisonnier volontaire est peintre, la jeune fille est attirée mais cet amour naissant peut-il avoir un avenir? Né dans le mensonge et la dissimulation, lui se sent coupable d'avoir abandonné ses compagnons d'armes, elle, d'aimer un traitre à la patrie alors que son père et son frère sont au Front? 


    Ce roman explore le sentiment de loyauté sous toutes ces facettes: loyauté envers sa patrie, sa famille, sa place dans la société mais aussi envers soi-même. Les femmes découvrent leur valeur: elles aussi sont capables de prendre en main leur destin sans attendre le bon vouloir d'un homme, elles soignent, travaillent, s'engagent totalement pour leur pays sans porter d'armes, juste leur courage et leur dévouement. Une belle histoire, touchante et sincère. 


    Lattès - 21.90 euros.


    Parution le 21 août 2025

  • Perpétuité - Gillaume POIX

    Le milieu carcéral est un monde à part. Dans « Perpétuité », ce sont des moments du quotidien (jour et nuit) que nous allons passer avec le personnel d’une maison d’arrêt du sud de la France. L’ennemie public numéro un va y être transféré et au-delà de l’emballement médiatique, ce sont surtout les surveillants et leurs cadres qui seront au cœur du récit. Des personnes ayant chacun un vécut, un passé, un présent, des petits et grands drames, qui doivent accomplir leur mission : surveiller plutôt que garder des individus que la justice a estimé coupables et de ce fait incapable à plus ou moins long terme de côtoyer la société. Un rythme de vie atypiques aux horaires déstructurés, une kyrielle de procédures et de contraintes qui sont heureusement entrecoupés de moments de décompression tel qu’un repas pris en commun. Mais la réalité de la prison vient vite se rappeler à la fragilité de l’équilibre et il s’en faut peu pour que le stress et le chaos ne reprennent le dessus.


    Guillaume Poix fait le choix de s’intéresser au personnel de l’établissement pénitentiaire, assemblant une galerie de personnages variés (le médecin superviseur, le jeune surveillant tout juste rentré, le vieux briscard revenu de tout) dont les fêlures et faiblesses, masquées obligatoirement du fait de leur travail, sont exposées au fil des lignes. Comment maintenir sa propre intégrité mentale lorsqu’on opère dans un univers ou celle des détenus, faute d’accompagnement et de moyens, est de plus en plus altérée ? « Tout le monde crève à petit feu dans l’indifférence générale et personne ne se soucie de leur sort ». Les détenus ou leurs surveillants ?


    Un roman coup de poing sur un monde secret, dont on n’entend finalement peu parler et qui stigmatise le mal être de notre société et celui des femmes et hommes qui doivent « surveiller » ceux qui en ont été mis au banc.


    Verticales – 22 euros.

    Parution 21 aout 2025

  • Calamity Jane, u homme comme les autres - Justine NIOGRET

    On a beaucoup écrit sur Calamity, beaucoup et souvent mal car le but était d'écrire une légende, de faire d'elle une figure mythique, un emblème de liberté et un faire-valoir de la brutale colonisation de l'Ouest des Etats-Unis. Justine Niogret lui rend sa chair et sa consistance de femme loin du portrait héroïque de l'icône du Far West. Et c'est une toute autre histoire que l'autrice nous raconte : celle d'une enfant malmenée, d'une jeune fille révoltée et d'une femme brisée. La loi de l'Ouest est faite par et pour les hommes, les femmes doivent plier sans piper mot. Quand Calamity choisit un autre chemin, sa vie ne sera plus qu'errance et douleur. Car la fierté de n'avoir pas baissé la tête, d'avoir refusé les assignations dévolues à son sexe, a un prix et il est élevé. La culpabilité, les mensonges, les abandons et la fuite en avant seront le lot du destin de cette femme. 


    D'une intensité rare, le roman de Justine Niogret est une balade au coeur des hallucinations alcoolisées d'une Calamity Jane aux portes de la mort, entre souvenirs arrangés et mensonges vrais. Un portrait sans concession, brutal et cru, un texte sombre dans lequel les silences hurlent, les carapaces s'effondrent laissant l'âme à nu d'une femme dépassée par sa propre légende. Puissante, envoûtante, l'écriture nous entraîne de l'autre côté du miroir. 


    Au Diable Vauvert - 19 euros

    Parution 4 septembre 2025